mercredi 13 janvier 2010

2010 sur les chapeaux de roues


Très beau ce qui se passe au Théâtre de la Croix-Rousse depuis le 20 décembre. Par quel bout prendre les choses ? Commençons par La Vie devant soi avec Myriam Boyer : ce spectacle joué devant des salles archi pleines a bouleversé le public. Les mots d’Emile Ajar ont résonné en cette période de fête avec une intensité particulière. Sans oublier que ces mots-là portaient en eux une drôlerie très tendre. Quant à Myriam Boyer, elle a porté ce personnage de Madame Rosa avec une humanité, une générosité, un amour incomparables. Décidément, cette Vie devant soi restera un souvenir unique dans la vie du Théâtre de la Croix-Rousse.

Il y eut aussi le succès de notre opération des vêtements chauds (dont d’ailleurs nous ne devrions pas nous réjouir). Toujours est-il que les dons de vêtements et de jouets furent au-delà de toute espérance et qu’il fallut plusieurs voyages de la camionnette des Restos du cœur pour emporter cette récolte indispensable.

Parallèlement, il y eut les répétitions du Malade imaginaire. J’avoue que j’avais sous-estimé le travail à reprendre ce spectacle. Moi-même, j’ai beaucoup galéré pour réapprendre le texte. Et la dernière semaine de répétitions à la Maison de la Danse a laissé toute l’équipe des comédiens littéralement épuisée.

Enfin, depuis ce début de semaine, les représentations du Malade ont démarré à la Maison de la Danse. Succès public incroyable, un accueil digne d’un concert rock. Je dois dire que nous sommes tous bouleversés par la manière dont est reçu le spectacle. J’ai déjà eu l’occasion de le dire souvent, mais peut-être que le rôle d’Argan (que j’ai la chance de jouer), porte en lui un ardent désir de vivre. Bien sûr, il y a chez lui la peur de la maladie, la peur de la mort, la peur que les gens qu’il aime lui échappent, la peur enfin de ne pas être à la hauteur de la situation car, plus qu’un autre, Argan est conscient qu’être un être humain implique un sens des responsabilités et ces responsabilités le terrorisent. Alors, s'il crée la panique dans sa maison c’est pour mieux réinventer la vie.

Voilà pour ce qui concerne les spectacles. Mais bien évidemment, il y a aussi la vie quotidienne du théâtre et il se trouve que pendant cette activité artistique un peu démente, j’ai choisi de rencontrer individuellement chaque salarié de la maison pour faire le point sur le travail de chacun. C’est que bien sûr, d’ores et déjà, nous travaillons sur la prochaine saison qui sera dans la forme complètement différente de toutes les saisons que nous venons de vivre. Cela demande une réorganisation générale, de sorte qu’avec chacun nous puissions redéfinir ses objectifs et sa nouvelle implication dans ce qui sera un bouleversement.

Ce matin même, en réunion d’équipe, je faisais part de ma quasi stupéfaction (joyeuse) devant ce public si nombreux (plus de 15 000 personnes fréquentent notre théâtre depuis le 20 décembre), je faisais part aussi de ce sentiment d’effervescence qui se dégage de notre maison comme si l’équipe du théâtre, la troupe des comédiens, les techniciens et le public, ensemble, partageaient le même désir d’aimer. Au fond, c’est peut-être cela qui est le plus troublant et le plus jouissif : ce sentiment d’une nouvelle jeunesse qui éclate : rien de sclérosé, rien de codé, mais bien plutôt un vent de liberté qui souffle. Alors évidemment, le soir après la représentation, il me faudrait presque un brancard pour m’évacuer de la Maison de la Danse tant la fatigue est grande (les articulations des genoux demandant grâce) mais je me dis, et l’équipe avec moi, que tout de même le théâtre n’est qu’amour et comme c’est le cas dans cette période frémissante, lorsque cet amour-là est partagé par le plus grand nombre, on se dit qu’on est béni.
Bien sûr, cette activité débordante n’empêche pas chacun d’avoir une vie personnelle. Notre responsable billetterie, Karine Fanton, part cette fin de semaine pour accoucher dans à peine un mois ; d’autres collaborateurs arrivent, certains vont prendre du recul pour passer des caps difficiles de leur vie, d’autres qui ont changé d’affectation s’épanouissent de manière heureuse. En conclusion, je pourrais dire qu’une chose est sûre : le Théâtre de la Croix-Rousse, en ce début d’année 2010, n’a jamais été aussi vivant. Il est sur les chapeaux de roues.

Philippe Faure

P.S : N’oublions pas le spectacle de Guillaume Gallienne qui démarre ce vendredi ; malheureusement les séances sont déjà complètes. N’oublions pas non plus Lambeaux, le magnifique spectacle de Sylvie Mongin-Algan, dans le Studio, qui lui aussi malheureusement est complet. N'oublions pas enfin d'être amoureux (c'est Aragon qui disait cela).

Aucun commentaire: