lundi 16 novembre 2009

La Force de croire

Marre de toutes ces polémiques (Pasqua, Chirac, NDiaye, Mitterrand, Villepin, etc.). La France serait-elle devenue un pays de concierge ? Comme si toutes ces polémiques étaient utiles à l’amélioration des conditions de vie de millions de Français.
Il y a là quelque chose de pathétique de ce détournement des urgences…
La réalité de tant de gens est si rude et depuis si longtemps, qu’ils sont en droit d’espérer de la politique de vraies décisions qui améliorent leur sort. Les journalistes ont une responsabilité coupable en relayant généreusement tous ces conflits ridicules. Où est passé l’intérêt général ? Les gens pillent les poubelles pour ne pas mourir de faim, dorment dans le froid, meurent dans les bois, et de nouvelles polémiques surgissent encore qui concernent les nantis, ceux des beaux quartiers. Où est la dignité au moment où les Pôles pour l’emploi sont débordés, assaillis, démunis, effondrés ?
Victor Hugo député déclarait la guerre à la misère. Aujourd’hui, les polémiques sont de vulgaires "cache-misère". Il faut absolument travailler à l’avenir des plus démunis et rétablir la confiance. Se taire et agir. N’abimons pas la parole. Rendons lui sa force. La Force de croire.

Je lis un grand papier dans Libération sur Dominique Besnehard (agent chez Art Media puis coach de Ségolène Royal) J’ai été (autant que je m’en souvienne) très ami avec lui. Je l’ai beaucoup aimé. Drôle, intuitif, amoureux de la variété française (Sylvie Vartan, Dalida, etc.), formidable raconteur d’histoires, toujours débordé, toujours inquiet, expéditif, fasciné par les vedettes, enfantin et malin, remarquable acteur (chez Pialat), lourd et pudique. Un homme contradictoire, un peu lâche mais capable de mener des combats impossibles. J’ai gardé beaucoup de tendresse pour ce qu’il est : libre et empêtré. Et puis c’est lui qui m’a fait rencontrer Patrick Dewaere (je racontais tout ça dans Maman, j’ai peur dans le noir). Son pouvoir d’admiration est sans limite, et ses admirations partent dans tous les sens. C’est un artiste de la vie. Il vit en funambule. Sophie Marceau, Nathalie Baye, et tant d’autres actrices ; on eut pu dire qu’elles étaient toutes ses filles, ses fiancés de cinéma, et lui le grand frère n’a cessé de leur dire qu’elles étaient les plus belles du monde. Ce qui est remarquable, c’est qu’aucune ne fut jalouse les unes des autres. Besnehard est un saint homme. Il était inéluctable qu’il rencontre sainte Ségolène et visiblement les saints entre eux "c’est pas gagné".

Samedi dernier, après la représentation de Woyzeck, longue conversation (inattendue) dans mon bureau avec quelqu’un qui fut dans l’intimité de Laurence Guedj (décédée il y a un peu plus d’un an). Pendant plus de dix ans, elle a été une collaboratrice fidèle, rigoureuse, attentionnée, heureuse. C’est elle qui tapait tous mes manuscrits. Nous avions de longues conversations tendres et parfois orageuses. Elle était têtue. Mais nous avions l’un pour l’autre une vraie considération (voilà un mot magnifique : la considération).
Bien sûr, elle me manque beaucoup. Ma confiance en elle était inépuisable. Au cours de cette conversation samedi, cette personne me fit des confidences (à propos de Laurence) qui me bouleversèrent. Et si ces confidences avaient simplement mis des mots sur une relation au fond assez secrète. Laurence m’écrivit quelques semaines avant son dernier séjour à l’hôpital qu’elle était fière et heureuse de travailler près de moi (cette lettre est toujours en évidence sur mon bureau). Il y avait entre nous comme une évidence : nous avions besoin l’un de l’autre et je crois que même dans les moments de tensions, nous ne nous fîmes jamais de mal. Nous savions l’un et l’autre que notre relation était définitivement précieuse. Merci à ce visiteur impromptu de m’avoir rappelé que la tendresse existe et qu’elle avait existé entre Laurence et moi. Après cette longue conversation il me ramena chez moi car je dois l’avouer j’avais les jambes "en coton" et la tête "lourde de solitude".

Depuis quelques semaines je consacre toutes mes matinées à l’écriture. J’écris l’utile et l’inutile. L’utile c’est à dire tout ce qui se rapporte à la vie et à l’avenir du Théâtre de la Croix-Rousse. L’inutile, c’est à dire tout ce qui me permet de réfléchir, de rêver et d’imaginer des histoires de la vie. Je ne quitte pas Victor Hugo non plus (génie parmi les génies). C’est que je travaille à l’adaptation de sa plus grande œuvre. Ce repli dans l’écriture me reconcentre, me guérit de longs mois désespérés (désespérants). À propos, nombre de personnes (à propos d’une confidence sur ma dernière intervention dans mon blog) me demande pourquoi j’ai beaucoup pleuré il y a une dizaine de jours. C’est qu’à un moment donné, alors que l’autre ne cessait de vous traiter de "pauvre type" et que l’on mettait l’insulte sur le compte de la colère, on réalise que c’était le fond de sa pensée. À ce moment là, ne restent que les larmes pour calmer son chagrin. Ce n’est pas l’insulte qui vous assassine, c’est l’aveuglement dans lequel on s’est obstiné. On imagine alors qu’il va nous falloir beaucoup de courage pour se remettre d’un malentendu pareil. Le mépris appartient à celui qui méprise. Rendons à César ce qui appartient à César.

Repris les répétitions du Malade imaginaire avec les "petites Louisons". Décidément, Argan ne me quitte pas. J’ai souvent considéré qu’il était un autre moi-même ou que j’étais un autre lui-même. Peu importe. Il me bouleverse et j’aime plus que tout être son ami. On pourrait citer la phrase de Montaigne : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi. »
Je suis émerveillé de savoir que toutes les représentations du Malade imaginaire à la Maison de la Danse en janvier vont être pleines à craquer. Je voudrais serrer dans mes bras ces 6000 / 7000 personnes qui "nous" font ainsi confiance à Argan et moi.

« Un peu d’amour, voilà le vrai fond de la vie.
Tout est là. Tout le reste est ombre et fausse envie.
Un regard bienveillant qui vous suit doucement
Dans votre solitude et votre accablement
Vous tient lieu de pays, de maison, de famille.
Qu’on soit aimé d’un gueux, d’un voleur, d’une fille,
D’un forçat misérable à l’épaule imprimée,
Qu’on soit aimé d’un chien, pourvu qu’on soit aimé. »
Victor Hugo

Actuellement, je ne suis pas reconnaissable dans la rue, car je suis emmitouflé dans un anorak vert fluo de la dernière mode. Si vous voyez passer une grosse tache verte, genre couleur de pré… c’est moi !

Philippe Faure

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