La vie a de ces confrontations parfois quasi ingérables.
Je m'explique : au moment où triomphe Le Malade imaginaire à la Maison de la Danse et où je me livre sensuellement dans le personnage d'Argan, surgit le drame d'Haïti. Or, je dois à la vérité de dire, qu'il y a cinq ans, nous avons adopté une petite fille haïtienne au doux nom de Marline. Elle vivait dans un orphelinat, sa mère n'ayant plus les moyens d'assumer son existence. Elle est donc avec nous depuis cinq ans. C'est une petite fille malicieuse, courageuse, sincère, et d'une tendresse particulière. Elle s'est parfaitement adaptée à la vie française. Elle a un bonheur de vivre assez admirable, digne d'être contemplé par chacun, chaque jour. Il a fallu en premier lieu qu'elle s'adapte au fait d'avoir une sœur beaucoup plus grande qu'elle (onze ans) et d'avoir un frère encore plus grand (32 ans).
Evidemment, les informations d'Haïti lui sont arrivées et son comportement devant cette tragédie est assez curieux. On pourrait dire qu'elle a un sang froid à toute épreuve. Il faut dire que dans l'orphelinat en question elle a appris la vie "à la dure". Curieusement, si c'est une petite fille enjouée, libre de parole, toujours prête à rire, à jouer et à danser, il y a chez elle une dimension extrêmement silencieuse, comme si elle avait conscience que la première dignité d'un être humain était de ne pas répandre ses émotions. Il y a beaucoup à apprendre d'elle. Etrangement, depuis le début de l'année, à l'école, elle avait beaucoup de mal à se faire des amis et à cause du drame d'Haïti beaucoup d'amitiés nouvelles viennent de se créer. Au fond, cette petite fille si simple est un être profondément secret.
Bien sur, lorsque nous voyons les images des conséquences du tremblement de terre, nous sommes obligés de penser, d'une part, qu'elle est une sorte de miraculée, et d'autre part, à tous les enfants qui par la force des choses seront devenus orphelins. Nous sommes obligés de penser aussi que pour un enfant sauvé, délivré de la pauvreté, combien d'autres vont être prisonniers d'un avenir d'ores et déjà déchiré.
Décidément, d'Argan à Haïti et à Marline, il y a là une sorte de mystère qui me (nous) dépasse. Comme j'ai souvent l'occasion de l'écrire dans ce blog, il n'y a pas de temps à perdre pour être généreux et bon, pour donner de l'amour. C'est que demain chacune de nos vies peut elle aussi trembler et s'effondrer. Le désir d'être heureuse de cette petite fille qui maintenant m'accompagne (nous) depuis cinq ans a créé chez moi une exigence nouvelle. J'ai la responsabilité de créer du désir et de ne jamais céder à quelque tentation malheureuse.
Toute la semaine prochaine, nous serons au Théâtre National de Nice avec Le Malade imaginaire. Dans le recueillement de ma chambre d'hôtel face à la mer, j'aurai l'occasion d'écrire à nouveau et plus précisément sur ce blog.
Philippe Faure
jeudi 21 janvier 2010
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