mardi 1 juin 2010

Le blog déménage!


Retrouvez le blog de Philippe Faure sur le nouveau site du Théâtre de la Croix-Rousse.

vendredi 28 mai 2010

Pas de risque de s'endormir pour la présentation de saison

Jour J-3. Ce lundi 31 mai présentation de la saison à partir de 19h30. Derniers petits détails à régler, mais tout est prêt. Que dire sans dévoiler d'ores et déjà le contenu de la saison ?

Première chose, elle est extrêmement ramassée. Seulement 10 spectacles. J'aurai l'occasion de commenter ce choix radical. Deuxième chose, artistiquement, il me semble que c'est la plus impressionnante que nous ayons eu (sans doute, la réduction de la programmation nous a t-elle aidés à faire des choix essentiels). Troisième chose, ce soir-là, donc ce 31 mai, je m'apprète à tenter un happening qui risque de rester dans les annales (en tout cas dans celles du Théâtre de la Croix-Rousse).
Enfin, je me réjouis, qu'aussi bien dans la forme (dont je viens de parler) que dans le fond, nous engagions cette maison dans une vraie réflexion et dans un vrai pari sur l'avenir. Au fond, quel sens cela a t-il aujourd'hui dans une période de crise qui évidemment touche les plus précaires d'animer un théâtre et de faire entendre la parole des poètes. Comment inscrire une maison comme la nôtre dans une réalité sociale chaque jour plus difficile à vivre. Rassurez-vous, tout cela sera dit sans grand discours mais je l'espère avec fantaisie. Nous vous demandions dans une précédente information de préparer ce soir-là votre plus beau sourire, j'insiste beaucoup sur cette sollicitation. Il convient qu'ensemble nous nous réjouissions.

Je ne résiste pas à vous dire quelques mots d'un spectacle qui vient d'être créé au Théâtre Vidy-Lausanne et qui sera chez nous en octobre. Il s'agit d'un texte de Lydie Salvayre, La Médaille, mis en scène par Zabou Breitman. Il s'agit au sens propre d'une remise de médailles dans une entreprise pour des gens qui partent à la retraite. Le spectacle est irrésistiblement drôle, ce qui n'exclut pas une certaine cruauté. Le début et la fin sont formidables d'inventions. On rit, on est touchés, on a des fois envie de pleurer et à la fin, au sens propre, on fait tous "la chenille". J'ai découvert en Zabou Breitman une fille vraiment formidable, drôle, douce, attentive, formidablement vivante. Enfin, ce soir-là, jeudi dernier, René Gonzalez, qui dirige ce grand théâtre européen et qui a traversé ces derniers temps une sorte de tsunami médical, qui a failli l'emporter, m'annonce que son dernier scanner indique une guérison. Inutile de dire que cette nouvelle nous a tous enflammés. Du coup, entre La Médaille, Zabou Breitman et René Gonzalez, la soirée fut magnifique.

Mais n'allons pas plus loin dans le récit de la prochaine saison. Inutile de vous dire que je vous attends impatiemment avec toute la tendresse dont de suis capable et pour ceux qui ont pris l'habitude de fréquenter cette maison, ils savent que côté tendresse je n'ai pas peur de m'économiser. A lundi donc pour ce moment que nous avons toujours voulu depuis le début festif, fantaisiste, et parfois délirant qu'est la présentation de saison. Hors de question pour nous de prononcer de grands discours, de s'éterniser sur les créations, en gros de s'endormir dans le confort des fauteuils. Nous avons toujours préféré vous transmettre notre joie d'habiter cette maison et de vous faire découvrir des artistes que nous aimons. A lundi !

Philippe Faure

mardi 25 mai 2010

Ma plus belle soirée de théâtre au Théâtre de la Croix Rousse

Récits de juin de Pippo Delbono

Samedi 22 mai à 20h, unique représentation de Pippo Delbono de ses Récits de juin. Toute la salle est debout à la fin. A vue de nez, 10 minutes d'applaudissements ininterrompus. Chacun est sous le coup d'une émotion physique et quasi irréelle. Que s'est-il donc passé pendant l'heure 30 de ces Récits de juin ? D'une manière elliptique et morcelée, Pippo nous raconte l'histoire de sa vie, ses rapports avec sa mère, son grand amour avec son ami qui s'est fracassé contre un mur en scooter. Il nous raconte ses premiers pas au théâtre, plus précisément aux cours de théâtre. Il nous raconte le jour où il apprend qu'il est séropositif. Et il nous raconte sa vie d'homme de théâtre. Enfin, sa rencontre avec Bobó, qu'il a délivré de quarante cinq ans d'asile psychiatrique. Tous ces moments de sa vie sont racontés extrêmement brièvement et systématiquement s'échappent vers les poètes : Artaud, Pasolini.

Tout cela est évidemment bouleversant. Mais ce n'est rien par rapport à ce que Pippo Delbono donne à voir de son corps. Car soudain son corps d'homme légèrement enrobé devient une sorte d'exutoire de la souffrance, de tentatives déchirantes, d'audaces presque chorégraphiques qui pourraient paraître misérables. Pippo est un jouisseur et en même temps son corps est son pire ennemi. Alors, il tente des sortes de reptations infirmes, des gestes invraisemblables de naïveté, des coups de sang et des coups de folie. Il ne danse pas, il essaye d'élever son corps vers une légèreté impossible. Toute la salle est restée stupéfiée par autant d'humilité. Voilà un artiste qui ne fait pas de spectacles mais qui interroge la nature humaine dans ce qu'elle a de magnifique, d'injuste et de mortel. Et lorsqu'à la fin Bobó, dont il nous a parlé, cet être venu de nul part, monte sur la scène en s'appuyant sur sa canne, je crois pouvoir dire que les larmes sont venues à une grande partie des spectateurs.

Ce moment de théâtre est pour moi, depuis que je dirige le Théâtre Croix-Rousse, une des choses les plus essentielles que j'ai vue sur scène. Une des plus bouleversantes. Je crois pouvoir dire qu'à sa manière, Pippo Delbono réinvente douloureusement le théâtre à travers notre pauvre condition d'être humain. Parfois dans le rôle de directeur de théâtre, il arrive qu'on ait des joies inattendues, d'une certaine manière je pourrais dire que ces Récits de juin ont été une joie effrayante et j'aurais voulu dire ce soir-là combien j'ai été ému par le public qui a fait corps avec un artiste non répertorié, non codifié, avec un homme dans toute sa grandeur originelle. Si certains de ces spectateurs lisent ce blog, qu'ils reçoivent toute ma tendresse. Décidément, le théâtre est vraiment l'œuvre des poètes et non des malins et, comme Rimbaud, Pippo Delbono brûle sa vie aux horizons insoupçonnés.

Philippe Faure

lundi 17 mai 2010

Vivement le 31 mai !

Fin de saison emballante. C'est le mot !
Pippo Delbono est dans nos murs pour toute la semaine. Pippo et sa troupe. J'avoue que cet homme et son univers me sidèrent. J'admire profondément son rapport au théâtre. Il me semble que c'est l'aventure théâtrale la plus excitante depuis bien longtemps. Tout y est : le sens du péché, l'insolence, la précarité d'un art, le poétique réduit à sa plus simple expression, une humanité cabossée qui cherche sa place, quelques paroles pasoliniennes, des moments dansés selon des géométries inconnues, une sorte d'enfance ressuscitée, des corps lourds de sens mais aux possibles envols. Une cérémonie particulière, presque secrète et pourtant d'une clarté aveuglante.
Décidément Pippo Delbono réinvente le théâtre. Retour aux sources ? Visionnaire ? Je l'aime comme un frère.

Le programme de saison 2010/2011 est imprimé. Prêt. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je suis très fier du travail accompli. Ce fut l'occasion de réfléchir à une démarche, d'affirmer des engagements, de prendre parti, de réintroduire la notion politique du théâtre, mais aussi de se réjouir des enjeux, de la présence de ceux qui nous accompagneront dans cette nouvelle aventure. L'occasion aussi d'écrire, sorte de journal de bord, de journal intime. Ecrire pour mieux être responsable de ce que l'on fait, de ce que l'on est. Vivement que chacun puisse découvrir ce programme. Encore 15 petits jours de patience.

Très vite Richard Brunel arrive avec un spectacle d'après Feydeau. Heureux que ce soit lui qui termine la saison. Il fut des premières saisons du Théâtre de la Croix-Rousse. Il est là au moment où nous choisissons notre avenir. Il a pris la direction du Centre dramatique national de Valence il y a quelques mois. C'est bien et mérité.

Un dimanche à la campagne. Arrêt au cimetière où sont enterrés ma mère et mon père dans le Beaujolais. Mes filles ne cessent de transporter des seaux et des arrosoirs remplis d'eau. Nettoyage des tombes. J'ai acheté une très belle plante jaune. Le silence d'une tombe est désarmant. Ma mère est morte, elle avait à peine cinquante ans. Mon père plus de 70 ans. Finalement, je ne sais rien de leur relation, je ne sais que les dernières années qui furent compliquées, la maladie déformant tout. Peut-être ont-ils été heureux ? Peut-être se sont-ils manqués ? Ma mère aurait été si heureuse d'aimer mes enfants, de venir à La Croix-Rousse, au théâtre. Elle était faite pour vivre, pour aimer. Je crois que dans ses trois dernières années, elle fut une sainte.

Longues matinées d'écriture ces temps-ci. Avais-je perdu le goût d'écrire ? Peut-être. En tout cas, il est là aujourd'hui entre mes mains et la solitude de la page blanche est un plaisir retrouvé et irremplaçable, même si parfois elle peut être insupportable (la solitude de la page blanche !).

Belle trouvaille pour la présentation de saison du 31 mai. Ca promet un beau moment hallucinatoire.

Philippe Faure

mardi 4 mai 2010

Dénicher l'Utopie ?

La plaquette de la saison 2010 / 2011 est à l'imprimerie (quel vilain mot que ce mot de plaquette). Dire livret serait plus juste (le mot n'est pas idéal non plus). Nous avons consacré beaucoup d'énergie à rêver, écrire et réaliser ces 76 pages. Sonia Araujo et Gabriel Guedj lui ont apporté un soin infini.

J'ai souhaité qu'elle ne soit pas un document de communication habituel (comme on dit). Mais bien plutôt qu'elle raconte le cheminement de notre réflexion. Faire le point de là où nous en sommes. De là où nous venons, et naturellement de là où nous désirons aller. J'évoque l'idée de refondation. Le mot est lourd de conséquences sans doute. En tout cas, il traduit un vrai besoin de se situer (ou de se resituer).

Nous sortons d'une saison à flux tendu. Presque une trentaine de spectacles, avec d'invraisemblables coups du sort, des urgences de toute nature. Il y eut Observer de Bruno Meyssat, où nous avons invité tous nos abonnés. Acte rarissime dans les maisons de service public. Mais il importait plus que tout que ce spectacle fut vu. Cette approche particulière de la tragédie d'Hiroshima était bouleversante et je crois qu'elle a bouleversé un grand nombre de spectateurs. Meyssat est un pur artisan du théâtre.

Nous avons dû changer les dates de La Vie devant soi avec Myriam Boyer pour cause de tournage du nouveau film de Bertrand Blier. 8 000 personnes pour 8 000 changements de date. Et cela en pleines vacances de Noël. Ce ne fut pas une mince affaire. Nous avons été très touchés pas la confiance de chacun qui a fait tout son possible pour se reporter à une date ultérieure. Le spectacle bouleversa. Myriam Boyer fut infiniment heureuse de son séjour croix-roussien et donna sur scène le meilleur d'elle-même.

Il y eut l'épisode des Cauchemars du gecko où nous dûmes annuler deux représentations. Le camion transportant décor et costumes tomba dans un ravin à la sortie d'Aurillac. La troupe présenta avec les moyens du bord une seule soirée de ce spectacle. Ce fut là encore bouleversant.

Etrangement tous ces accidents de parcours donnèrent à la saison une énergie particulière. Le théâtre est plus fort que les coups du sort. On le croit à terre et le voilà qui se redresse, qui ressurgit, qui nous emporte. Le théâtre ne se résigne jamais.Il n'a peur de rien. Au fond, le théâtre est libre d'être ce qu'il est. Un territoire singulier où tout est possible : raconter le monde, détailler un acte ordinaire, déchirer l'horizon, revendiquer un langage inconnu, prendre parti, rêver au-delà de nos rêves.

Aujourd'hui le théâtre est mal aimé par le pouvoir. Mal aimé parce que jugé inutile ou pire snob, en tout cas négligeable. Comme si le peuple (nous) devions nous contenter de "regarder passer les trains". L'urgence serait de se taire (alors que le théâtre est un lieu de paroles), et quand il fait silence c'est pour mieux dire encore nos peurs et nos rêves.

Ce pouvoir-là n'a pas compris que le peuple avait besoin de se sentir humain et citoyen. Rassemblé sur l'idée que nous ne sommes rien les uns sans les autres. Le théâtre est l'ennemi héréditaire de la solitude (des solitudes). J'avais placé beaucoup d'espoir dans la nomination de Frédéric Mitterrand au poste de ministre de la Culture. J'aimais l'homme et son travail. Malheureusement, il n'a pas su initier une vraie politique de service public. Il a géré la culture à "la petite semaine". Sans doute n'avait-il pas le poids politique suffisant pour sortir du rang et nous montrer le chemin.

Ainsi est-ce à nous, à chaque directeur, à chaque artiste, de prendre les choses en main : d'inventer des formes renouvelées de rassemblement, de déterrer des symboles enfouis depuis si longtemps dans l'indifférence du sommet de l'Etat. Celui-ci remet en question les collectivités territoriales (ville, région, conseil général). Mais heureusement qu'ils sont là : attentifs et courageux. Ils sauvent la Culture autant que faire se peut.

Il n'y a là dans mes propos aucune amertume ni même colère. Il n'y a que le désir de faire, honnêtement, poétiquement et civiquement. Si j'osais, je dirais : "j'en appelle au peuple". Osons.

Et rendez-vous de toute façon le 31 mai pour la présentation de saison. Nous essayerons ce jour-là de dénicher l'utopie.

Philippe Faure

mercredi 21 avril 2010

Pourquoi il faut absolument découvrir le monde de Pippo Delbono

L'homme :
Il est né en 1959 à Varazze. Il y a quelque chose chez lui d'un Depardieu italien, mélange d'une force physique impressionnante et en même temps d'une rare légèreté. Il a la solidité d'un artisan (les mains), d'un paysan, et en même temps presque la gracieuseté d'un enfant. Il me fait irrésistiblement penser au Victor de la pièce de Vitrac, Victor ou les Enfants au pouvoir. Il peut être un ami et un dangereux fou d'amour. C'est l'homme d'une conviction : le théâtre appartient au peuple et c'est au peuple qu'il faut rendre justice.

La troupe :
Après un parcours d'études assoiffé de connaissance, en particulier formation de danseur et intérêt pour le théâtre de l'orient, il fonde en 1980 sa compagnie avec laquelle il parcourt le monde. Mais c'est en 1996 que tout bascule lorsqu'il rencontre Bobo, sourd, muet, microcéphale, interné dans l'hôpital psychiatrique d'Aversa depuis 45 ans. Tout bascule alors car il va s'entourer plus que d'acteurs, de personnalités toutes rares de par leur spécificité physique. Sa troupe est alors une sorte "d'humanité rageuse". On pense inévitablement à Federico Fellini. Ce qui intéresse Pippo Delbono, au sens propre comme au sens figuré, ce sont tous ces êtres qui n'ont pas (ou plus) droit à la parole. C'est leur corps qui manifeste encore un signe de vie.

Les spectacles :
Je crois qu'il n'est pas exagéré de dire que Pippo Delbono réinvente le théâtre dans ce qu'il a de primitif. Il s'agit alors de cérémonials étranges, risibles, poétiques et extrêmement sensuels. L'art redevient une matière vivante. Ce sont toutes les différences mélangées qui créent le mouvement. Il y a dans ses spectacles quelque chose d'enfantin (le goût du jeu) et quelque chose d'extrêmement grave (la peur de la mort). Ses spectacles prennent à bras le corps le théâtre comme la vie a pris à bras le corps Bobo et les différents handicapés mentaux qui l'entourent. Son théâtre est immédiatement accessible parce qu'il est d'une profonde simplicité.

Les poètes :
Pippo Delbono s'attache par dessus tout aux compagnonnages des poètes. Genet, Rimbaud, Pasolini. Le plus souvent ce ne sont pas les mots de ces poètes qui l'inspirent, mais leur âme. L'urgence de justice qu'ils crient de rage.

Un besoin d'amour :
Il y a chez Pippo Delbono une sensualité, des pulsions quasi sexuelles qui donnent à son univers une chair bouleversée, déchirée, abimée, mais aussi possédée et déculpabilisée. Evidemment on sent chez lui un besoin d'amour presque universel : « Dis moi que tu m'aimes. » est une phrase souvent répétée dans La Rabbia.

Un poète d'aujourd'hui :
Pippo Delbono est sans doute l'homme de théâtre de notre temps le plus joué dans le monde (Festival d'Avignon, Théâtre du Rond Point, Lisbonne, Bogotá, Madrid, Rome, Montréal, Cracovie, etc.). Celui qui, au sens propre, révolutionne cet artisanat, le rend à son humilité première, à sa force innée, à son pouvoir poétique.


Tout ceci, et le reste, est raconté en détails dans I Racconti di giugno (Les Récits de juin) que nous jouerons le samedi 22 mai à 20h. Il présente pour la première fois à Lyon ce spectacle. Pippo Delbono se raconte, raconte sa vie avec des drames, des tragédies, des amours, des solitudes et des visions qui se répondent et se mélangent. De La Rabbia (représentations du 17 au 22 mai à 20h)  il dit : « la vérité n'est pas dans un seul rêve, mais dans plusieurs rêves ». C'est l'épigraphe d'un film de Pasolini.

Pippo Delbono est un poète, un penseur politique, un combattant et pourquoi ne pas le dire un homme "possédé d'amour".

Philippe Faure


N.B: Ce texte a été écrit pour les programmes de salle de Andromaque, Bérénice & Phèdre et de Je chante pour passer le temps.

jeudi 15 avril 2010

Pas d'inquiétudes

Presqu'un mois que le blog est silencieux. C'est que les urgences et l'activité ici sont intenses. Le dernier message évoquait Romane Bohringer et le spectacle Labiche. Pour clore le sujet, on va dire que Romane et sa troupe nous ont enchantés, et il semble qu'ils aient aussi enchanté le public. Beaucoup de gaieté, de chansons, d'absurdité et de joliesse dans ce travail théâtral qui rendait parfaitement compte du génie de Labiche. Je ne reviens pas sur Romane qui fut une invitée délicieuse et enthousiaste. Nul doute que dans un avenir proche, elle revienne pour la sixième fois à La Croix-Rousse.

Autre événement : Les Cauchemars du gecko. Comme vous le savez sans doute, le camion transportant le décor, les costumes et ne partie du matériel son a basculé dans un ravin à la sortie d'Aurillac. Nous avons dû annuler deux représentations et toute l'équipe du spectacle dans la mesure des moyens qui lui restaient a proposé une sorte de mise en espace du spectacle. La soirée fut incoryablement émouvante et il faut bien le reconnaitre le public a réservé un véritable triomphe à ces paroles qui parlaient de l'Afrique. Ces paroles lyriques et brutales, engagées, presque comme un rap ; paroles qui laissaient entrevoir la détresse d'un continent.

Urgence car nous sommes en plein bouclage de la plaquette de la prochaine saison. Comme j'ai eu l'occasion de l'évoquer dans des messages précédents, nous avons choisi de redéfinir la mission du Théâtre de la Croix-Rousse. Cette décision (dont vous découvrirez les tenants et les aboutissants le 31 mai) a impliqué beaucoup de remises en question, et du coup une nouvelle organisation de la maison. Il me semble qu'avec la date d'ouverture du Théâtre, 1994), c'est le second moment le plus important que j'ai eu à vivre depuis que je dirige la maison. Dans ces conditions, nous avons choisi que la plaquette et son contenu ne soient pas seulement un élément de communication, mais bien plutôt une sorte de journal de bord d'une remise en question. Du coup, beaucoup d'écriture, beaucoup de textes originaux, donc beaucoup de travail. Les relectures ont commencé. Je dois avouer que je suis très fier de ce que nous avons accompli ces temps-ci. J'ai hâte que vous découvriez notre projet.

Guère de temps pour les confidences personnelles. Dès que la plaquette de saison sera sortie, le 31 mai, je vous raconte tout et le reste. Patience donc.

Philippe Faure

mercredi 10 mars 2010

Hier au soir, très belle première du spectacle Labiche avec la tendre Romane Bohringer.

La première pièce 29 degrés à l'ombre ressemble à un dessin de Sempé. J'avoue être très sensible à cet humour presque plat, où rien n'avance ni ne recule, où le moindre événement révèle dans le même mouvement son impuissance. C'est petit, étriqué et vain, donc drôle et cruel, et sans pitié pour la nature humaine.


La seconde pièce, Embrassons-nous, Folleville ! est une sorte de fantasmagorie (très réussie visuellement). Romane y donne toute sa fantaisie, toute sa malice, toute son énergie. Le moment où tous les vases se brisent et où la porcelaine éclate sur le sol me semble bien résumer la folie de Labiche.

Il me semble que le public, par ces froidures d'hiver, s'est réchauffé au contact de cet univers si particulier où tout est tenté mais où tout tombe à l'eau, et où chacun se noie dans le ridicule. Mais c'est ce ridicule-là qui crée une sorte de fraternité pour ce que nous sommes, si petits et si lâches.

Je ne résiste pas à citer les deux deniers couplets du spectacle (car il y a beaucoup de chansons dans Embrassons-nous, Folleville !, chansons chantées d'une manière assez délirante).
Voici donc les deux derniers couplets :
"Là, sans faute,
Au cou je vous saute
Et je dis à chacun de vous :
Embrassons-nous !

Qu'on enterre
Toute colère ;
Plus de débats, plus de courroux !
Embrassons-nous !
Embrassons-nous !
Embrassons-nous !"


Voilà qui est dit. Venez tous vous embrasser à La Croix-Rousse sous le ciel vengeur de Labiche.

Philippe Faure

PS : Il me semble que Pierre Pradinas a monté Labiche comme Labiche doit être monté, sans parti-pris qui éloignerait les pièces de ce qu'elles sont : un regard neutre sur la condition humaine et c'est cette neutralité qui laisse voir toutes nos maladresses et nos tentatives avortées.

mardi 9 mars 2010

Brunch ce matin avec Romane

On vote tous Jean Jacques Queyranne dimanche prochain !

Ce lundi soir au Transbordeur, meeting de soutien à Jean Jacques Queyranne avant le premier tour des élections régionales. Un monde fou.

D'abord, discours de Gérard Collomb. Discours opiniâtre sur la nécessité pour les villes, et en particulier pour Lyon de travailler avec la Région. Sans la Région, aucune grande politique d'investissement n'est possible (université, transports, recherche, Culture…). Ensuite, et à la fin, discours de Jean Jacques Queyranne. L'homme est fin, subtil, avec une vraie hauteur de vue. Il était particulièrement détendu. C'est un président au-delà de tout soupçon.

L'un et l'autre sont mes amis. J'ai toujours pu compter sur leur fidélité en toutes circonstances. Je les ai toujours soutenus. Jamais nous ne nous sommes manqués, encore moins trahis. J'étais là lors de la première élection de Jean Jacques Queyranne à la Région Rhône-Alpes (et nous étions très peu d'artistes cette fois-là) et évidemment j'étais là lors des deux élections de Gérard Collomb à la Mairie de Lyon. Aujourd'hui je suis là pour la seconde élection de Jean Jacques Queyranne à la tête de la Région Rhône-Alpes.

Entre les deux interventions, Ariane Mnouchkine est apparue. C'est fou ce poids d'humanité qu'elle porte en elle (sur elle). Depuis trente ans que je fais du théâtre, j'ai l'impression qu'elle n'a pas changé. Elle est une sorte de présence lourde de conséquences. Avec elle, il n'y a pas de triche possible, pas d'arrangement possible. Le seul possible pour elle c'est d'être au service des autres. J'ai retenu une belle idée dans son intervention : l'idée que "l'imagination n'est pas une évasion, mais au contraire le meilleur moyen de comprendre l'humanité".

Enfin, et là j'avoue que l'émotion m'a submergée, est apparu sur scène Robert Badinter. Comment dire ? L'homme (plus de 80 ans) a une silhouette incroyablement jeune. Un visage lisse, peu de rides apparentes. Mais surtout, ce qu'il a, c'est ce sourire un peu de biais, quasi carnassier, au charme inouï ; sourire qui s'accompagne systématiquement d'une sorte de clignement d'œil. Cela crée aussitôt une complicité qui se mélange à une certaine gravité. Chaque mot prononcé semble définitif. Evidemment au cours de son intervention j'ai retrouvé les accents de son discours à l'Assemblée Nationale lorsqu'il a défendu l'abolition de la peine de mort. De quoi a-t'il parlé Robert Badinter hier au Transbordeur? D'égalité. De fraternité (mot magique apparu pendant la Révolution a-t il précisé). D'exigence morale. De dignité humaine. De laïcité… Et tout cela sur le ton presque de la confidence, avec quelques fois des accents de tribun. L'homme nous inonde de sa hauteur d'esprit. Soudain je me suis senti ridiculement petit et en même temps il nous insuffle un souffle nouveau. On se sentirait presque héroïque. Il y a très longtemps que je n'avais pas ressenti une émotion pareille. Je crois que nous étions tous fiers d'être là et émus jusqu'aux larmes. Inoubliable que cette rencontre avec Robert Badinter. Et puis enfin, abolir la peine de mort cela reste une des grandes dates de notre histoire du XXème siècle.

La soirée était présentée par Nadjet Belkacem. Magnifique dans un jean pour le moins moulant et donc particulièrement sensuelle, petit corsage blanc et petite veste serrée noire. Très belle Nadjet Belkacem. Il y eut beaucoup d'autres choses dans cette soirée. Mais il m'a semblé qu'en tous cas, hier au soir, la politique "était à son meilleur", qu'il y avait là une vraie vision du monde à travers la Région, que toutes ces personnalités dégageaient une véritable honnêteté intellectuelle. C'était beau.

Aujourd'hui, brunch avec notre chère Romane Bohringer. Ce soir, première du spectacle de Labiche mis en scène par Pierre Pradinas. Cela s'annonce sous les meilleurs auspices.

Il n'empêche, marre du froid ! Mais quand on voit ce qui s'est passé ces derniers jours au Niger où des femmes et des enfants furent lâchement massacrés, on se dit que le froid n'est rien. Peut-être même est-il beaucoup puisque par voie de conséquence il peut nous donner envie de se blottir les uns contre les autres. Toujours ce "blottissement" dont j'ai si souvent parlé dans ce blog et qui décidément serait presque le sens de ma vie.

Philippe Faure


PS : dirigeant un théâtre de service public, peut-être certains penseront-ils que je devrais m'abstenir à un devoir de réserve. Mais comme l'a dit Robert Badinter hier au soir pour expliquer sa présence à Lyon, il y a parfois des situations où l'amitié, la fidélité et une certaine idée du vivre ensemble (vérifiées sur le terrain) font que l'engagement est une évidence. Un devoir.

mercredi 3 mars 2010

Pour Romane


On ne peut rien faire d'autre que de tomber amoureux de Romane. Elle est une femme étonnée, suave, si proche, capable d'emportements, de fraternité immédiate. Elle sourit un peu mystérieusement comme malicieuse et complice. Elle ne fuit jamais la compagnie des êtres humains. Au contraire, on dirait qu'elle cherche toujours instinctivement sa place près d'eux.

Romane est une femme familière et en même temps elle a quelque chose d'à part. Elle est d'une fidélité absolue. Elle sait où est son chemin. Elle n'hésite pas. Elle est porteuse d'une gratitude généralisée. Il y a chez elle comme un sentiment de pureté.

Elle est la fille à son père. Ce rôle là, elle ne le laisse à personne. Toujours et encore cette idée d'occuper sa place, seulement sa place. Ne jamais prendre celle des autres. Éloigner d'elle tout sentiment de frustration.

La voilà mère. C'est ça, c'est une femme à réhabiliter ces deux mots de la langue française : "père" et "mère". Pour cela qu'elle soit aimée !

Philippe Faure

NB : ce texte a également été rédigé pour le programme de soirée de 29 degrés à l'ombre et Embrassons-nous, Folleville !

mardi 2 mars 2010

L'art du peuple

Nous (vous) voilà déjà aux deux tiers de la saison. J'ai du mal à réaliser et pourtant : Lambeaux, Les Garçons et Guillaume à table !, Le Malade imaginaire à la Maison de la Danse, La Vie devant soi, Observer, Woyzeck, Maman j'ai peur dans le noir sont de l'histoire ancienne. C'était hier et pourtant déjà si loin. C'est que le théâtre ne prend corps que le temps de la représentation.  Immédiatement après, il s'évanouit dans nos mémoires. Car le théâtre est ainsi : son souvenir ne nous impose rien. Il flotte ensuite dans notre imaginaire, comme un secret. "J'étais là, ce soir-là!" disons nous.

Le temps qui passe n'abime jamais notre souvenir de théâtre, bien au contraire, il lui donne une respiration particulière. Je me souviens de Myriam Boyer qui soudain ôte la perruque de Madame Rosa pendant les applaudissements. De Guillaume Gallienne dont on eût dit qu'il était inarrêtable, si possédé par le jeu. De l'incroyable alchimie de Bruno Meyssat à nous donner à revivre la tragédie d'Hiroshima. Du Malade imaginaire avec les costumes de ville, chatoyants comme aux plus belles heures de la folie d'Alain Batifoulier, le décorateur.

Je me souviens de tout, et pourtant tel que j'écris, avant même que la saison ne s'achève, je suis mobilisé et toute l'équipe avec moi sur notre prochaine saison. Mobilisé est le mot qui convient, car nous allons bousculer les habitudes, réaffirmer des nécessités, réinvestir notre propre idée du théâtre. Bien sûr, les spectacles proposés seront particulièrement "emballants" par leur exigence et leur spécificité. Ils le seront peut-être comme ils l'ont rarement été. Tant de grands metteurs en scène, d'œuvres majeures, de présences rares, de retrouvailles inattendues, d'inventivité nous accompagnerons. Notre mobilisation vient de ce que diriger, animer une maison de théâtre dans cette société qui souffre, où tant d'injustices gagnent du terrain, où tant de solitudes s'ajoutent, ne peut être un acte innocent. Depuis deux ans déjà avec nos "semaines des vêtements chauds", nous cherchons à nous rapprocher de la misère sociale et de faire que le théâtre ne soit pas un art orphelin. Mais l'art du peuple.

Mais arrêtons là. De cette mobilisation nous vous dirons tout le 31 mai lors de notre présentation de saison. Ce qui m'émeut et que j'ai envie de vous dire dès aujourd'hui, c'est que je suis conscient de l'immense confiance que vous nous faites. Cela par la force des choses nous donne des responsabilités nouvelles. Décidément, la Croix-Rousse ne sera jamais un lieu de consommation ordinaire. Je veux et rêve qu'il soit une aventure utopique avec sans aucun doute ses limites, ses contradictions et ses empêchements. Ces limites si pratiques pour ne pas agir, en tous cas nous les ferons furieusement reculer, oserai-je dire à la limite de nos forces. Tout à notre désir d'être utiles.

Philippe Faure

NB : ce texte a été écrit pour le programme de soirée qui sera distribué lors des représentations de 29 degrés à l'ombre et Embrassons-nous, Folleville ! du 09 au 27 mars.

vendredi 19 février 2010

Une amitié amoureuse : parce que c'est lui, parce que c'est moi

Ce matin, le 19 février, très longue conversation avec René Gonzalez qui dirige le Théâtre Vidy de Lausanne, l'une des toutes premières maisons de théâtre en Europe, si ce n'est la première. Il y eut ce matin, dans notre dialogue, une sorte d'effervescence intellectuelle en même temps de fous rires et de légèreté et à la fin de la gravité. Je lui ai exposé mon projet dont j'ai parlé hier dans ce blog pour les prochaines années du Théâtre de la Croix-Rousse. Projet éminemment politique et, autant le dire, René Gonzalez y a adhéré avec une joie quasi enfantine. Il coproduira et accueillera pour une longue série ma prochaine création fin 2011, directement reliée à la nouvelle aventure de La Croix-Rousse.

René Gonzalez est une sorte de roc physiquement. La maladie l'a traitreusement assailli il y a maintenant presque 2 ans. Elle a failli même avoir raison de son énergie vitale. Mais le gaillard a ressuscité comme s'il lui était impossible d'admettre que le temps s'arrête. Derrière cette force de la nature, il y a chez lui une gourmandise de la vie, une approche quasi évanescente des sentiments. Il est, me dit-il, furieusement amoureux et furieusement aimé. Bien sûr, notre dialogue s'apparente souvent à des "mises à nu". Nous n'avons pas peur, ni l'un, ni l'autre de nous avouer nos échecs, nos défaites, nos drames intérieurs. Mieux que personne, il sait combien ces deux dernières années m'ont épuisé et désolé. Et aujourd'hui nous plaisantons de cette effervescence intellectuelle qui s'est emparée de moi.

Il est une sorte de conscience, il a accompagné les plus grands metteurs en scène de la scène européenne, Matthias Langhoff, Luc Bondy… Ce que j'admire le plus chez lui, c'est cette soif de découverte. Il fait tellement confiance à la jeunesse ! Et souvent, avec elle, il prend tous les risques.

Ce qu'il m'a appris, c'est de ne jamais être un homme du passé, d'être dans le présent et toujours d'être un homme d'avenir. Il est à Vidy adoré par son équipe qui ne cesse de lui manifester sa reconnaissance. Il n'y a jamais chez lui de mépris pour rien ou pour personne. Souvent, il me répète : « Ne perds pas de temps avec ceux qui te veulent du mal. Ne t'occupe que de ceux qui te veulent du bien. »

Je vis avec lui une sorte d'histoire d'amour toujours recommencée, ce qui n'empêche pas parfois, comme dans toutes les histoires d'amour, que nous ayons de vives colères l'un envers l'autre. Aujourd'hui nous vivons "un bonheur sans nuages", comme pourrait dire certains couples hétérosexuels.

Je lui dois beaucoup, j'allais dire presque tout. Il me rappelle constamment que l'intelligence et l'intuition sont les deux conditions pour être un homme honorable. Il ajoute qu'il ne faut jamais calculer ni son amour ni son admiration, il faut plonger. René Gonzalez est un plongeur hors pair, c'est sûr que s'il allait aux jeux olympiques, il serait médaille d'or. Mais, à ce que je sache, René Gonzalez n'est absolument pas sportif.

Philippe Faure

jeudi 18 février 2010

Toujours s'émerveiller

Ce matin, 18 février, comité de suivi au Théâtre de la Croix-Rousse. Le Ministère de la Culture, la Ville de Lyon, la Région Rhône Alpes, le Conseil Général du Rhône et leurs représentants éminents sont réunis pour définir la nouvelle convention qui nous liera à chacune de ces collectivités, convention qui sera signée dans le courant du mois de mai. Plutôt que de la redéfinir j'ai souhaité que cette convention soit l'objet d'une vraie refondation quant à notre mission. Je ne veux pas ici entrer dans les détails car chacun devra avoir la surprise de notre avenir en découvrant notre prochaine saison.

Beaucoup de choses vont changer tant dans la forme que dans le fond. La dénomination même de notre théâtre paraitra sans doute quelque peu révolutionnaire en ces temps où la politique a tendance à se perdre dans les détails et va rarement à l'essentiel. J'ai souhaité que notre maison s'inscrive, oserais-je dire, dans "l'urgence sociale" tout en proposant évidemment l'excellence artistique. Je dois dire que chacune des collectivités a accepté mon projet avec enthousiasme. Une certaine complicité, voire même une certaine tendresse, a régné sur ce comité de suivi. Cela tendrait à prouver que lorsque chacun est de bonne volonté et écoute l'autre, une vraie confiance peut s'instaurer, des idées être émises, des engagements pris et enfin un vrai projet de service public défini.

J'ai offert à chacun des participants le Discours de Suède prononcé par Albert Camus lors de sa remise du prix Nobel à Stockholm (éditions Folio). J'ai aussi beaucoup évoqué l'œuvre de Louis Guilloux, magnifique écrivain français trop méconnu qui n'a cessé d'écrire l'histoire du peuple. Bien sûr, j'ai, à de nombreuses reprises, fait allusion à l'œuvre de Victor Hugo que je ne cesse d'entreprendre ces temps-ci.

D'ailleurs, à propos d'auteurs, depuis quelques temps je suis saisi d'une sorte de boulimie de lecture, comme si soudain j'étais affolé par mon ignorance. Peut-être est-ce la froidure de l'hiver, mais mon esprit a constamment besoin d'être réchauffé par toutes ces utopies. Par exemple deux livres que je viens de lire coup sur coup : Les derniers jours de Stefan Zweig de Laurent Seksik, et Un très grand amour de Franz-Olivier Giesbert. Deux livres chacun bouleversants dans leur genre.

Diriger un théâtre, l'animer, ne s'arrête pas évidemment à un certain talent d'organisateur car avant toute chose il convient de rêver l'aventure que l'on mène. Cette phrase de Camus : « Pour parler de tous et à tous, il faut parler de ce que tous connaissent  et de la réalité qui nous est commune. La mer, les pluies, le besoin, le désir, la lutte contre la mort, voilà ce qui nous réunit tous (…) la réalité du monde est notre commune patrie. » Cette phrase encore de Camus qui ne cesse de me fasciner : « le secret de la vie coïncide avec celui de l'art. »

Enfin, il y a dans le fait de mener une aventure comme celle de La Croix-Rousse un infini besoin d'amour. En donner, parfois en recevoir, mais surtout en donner. Je suis obsédé par l'idée que toute vie n'a de sens que si elle est tournée vers les autres, que si nous faisons don de nous mêmes. Cette phrase encore de Camus : « Les artistes ne méprisent rien, ils s'obligent à comprendre au lieu de juger. » Comprendre, voilà bien le sens de notre travail, de notre engagement.

Le temps s'est radouci. Il fait doux. Les corps se décrispent. Bientôt l'éveil du printemps. Bientôt la très belle Romane Bohringer. Bientôt le 31 mai, où nous lancerons cette nouvelle étape de notre travail en lançant notre nouvelle saison.

Toujours la joie d'être vivant et la joie d'avoir le désir d'aimer. Toujours s'émerveiller.

Philippe Faure

jeudi 11 février 2010

Une journée ordinaire au Théâtre de la Croix-Rousse

10h30 Réunion de toute l'équipe. Tous les sujets sont abordés, relatifs à la vie du théâtre. J'annonce en particulier que l'une de mes collaboratrices va prendre trois mois de disponibilité pour raison personnelle. Bien sûr le point est fait sur les différents rendez-vous marquants : brunch avec Romane Bohringer, conférence de presse avec Pippo Delbono. Presque tous les spectacles d'ici la fin de saison sont quasi-complets.

Midi
Déjeuner de travail

14h à 17h
-    Dans la grande salle : lecture avec tous les comédiens de Badine de la prochaine pièce que je mettrai en scène la saison prochaine (ils m'ont fait ce plaisir de lire pour le fun).
-    Dans la salle de réunion: rendez-vous entre les relations publiques et le consul de Madagascar pour préparer la venue des Cauchemars du gecko créé cet été en Avignon. Spectacle décapant.
-    Dans les loges : un groupe d'étudiants de théâtre découvre l'univers des costumes. Nadine Chabannier, notre costumière, a préparé la rencontre avec beaucoup de soin et de détails. Elle explique en compagnie d'Alain Batifoulier, le décorateur, comment l'univers esthétique d'un spectacle se rêve puis se réalise.
-    Dans le studio : les techniciens préparent l'accueil d'un prochain spectacle.
-    Deux personnes de l'équipe (dont la responsable de la communication) partent à Paris découvrir un spectacle que nous allons accueillir.
-    Evidemment la billetterie est en plein travail. Les représentations de Badine affichent complet (nous vendons les marches).
-    L'équipe administrative est surchargée de travail (outre les 150 à 200 fiches de paye chaque mois) il faut préparer la clôture des comptes et organiser un comité de suivi pour la semaine prochaine (Ville, Etat, Région, Conseil Général) fondamental pour l'avenir du Théâtre.
-    Le travail pour vendre notre prochaine création en tournée commence.
-    Le téléphone sonne un peu partout.

19h
Les comédiens de Badine arrivent.

Représentation à 20h. C'est au fond assez impressionnant et assez grisant de sentir ainsi une maison au travail. Chacun est concentré sur sa tâche et en même temps le dialogue est permanent. De furtives réunions s'improvisent entre deux portes. Des décisions qui trainaient jusque là soudain se prennent instantanément. Tout semble virtuel et pourtant rien n'est plus concret. Des classeurs entiers sont à signer mais cela n'empêche pas d'évoquer Jean Louis Trintignant ou Stephan Zweig. Se construit ainsi chaque jour, avec soin et force, énergie et imagination, le rassemblement de tant de gens et de désirs. Depardieu dans une interview géniale disait : « Je suis l'homme des gens ! » La formule est magnifique et je la fais mienne.

Dans l'après-midi, dialogue au téléphone avec Jean Jacques Queyranne, Président du conseil régional de Rhône Alpes (un vrai ami), avec Romane Bohringer (qu'elle est tendre). Je reçois un magnifique texto de Guillaume Gallienne dont tout le monde parle aujourd'hui et qui cartonne à Paris à l'Athénée avec son spectacle que nous avons accueilli il y a quelques semaines. Il me remercie entre autre pour dit-il ma "fabuleuse équipe". Beaucoup de mails aussi.

Ici est une maison amie, chacun peut y dialoguer avec tous mes collaborateurs de manière libre et confiante. Chacun ici est disponible à tout moment. Nous travaillons pour l'avenir de nos consciences, rêvant, imaginant, désirant, créant, surtout construisant. J'ai le sentiment que nous sommes une équipe de bâtisseurs. Nos constructions sont fragiles, éphémères, mais pourtant elles prennent corps. Comme j'aime ce mot, le corps. Je l'ai employé sous toutes les coutures (si j'ose dire), dans tous mes écrits (et dans tous mes actes?).

Cette phrase de Musset : « Comment me laisse-t-on ici si longtemps ? J'ai besoin de voir une femme, j'ai besoin d'un joli pied et d'une taille fine : j'ai besoin d'aimer. »
J'ai besoin à mon tour que la vie soit un corps à étreindre, ou plutôt j'ai besoin du corps de la vie.

22h Fin de la représentation de Badine. Triomphe osons le dire. Je n'ai pas regardé le spectacle ce soir mais pas mal téléphoné. En particulier les communications personnelles impossibles à passer dans la journée.

Retour chez moi vers 23 heures. Mille choses dans la tête qui se mélangent. Tant de désirs ! Aurai-je le temps de tout faire ?

Demain, journée au vu de l'agenda très chargée. Ca promet ! Aujourd'hui n'était qu'une journée ordinaire.

Philippe Faure


PS : Coup de fil de Christophe (Aline, Les marionnettes, Les mots bleus) qui souhaite revenir chanter chez nous la saison prochaine. C'est pas beau la vie ?

vendredi 5 février 2010

définition

On peut très bien répondre par oui à une question qui n'est pas posée.
(Magnifique définition de l'Amour par Charles Juliet dans Lambeaux.)

Philippe Faure

jeudi 4 février 2010

Anne de Boissy et Charles Juliet : un couple infernal

Sur mon bureau au théâtre, beaucoup de livres ouverts que je lis par intermittence :
• Vincent Van Gogh, Lettres à son frère Théo
• Albert Cohen, Le livre de ma mère
• Laurent Seksik, Les derniers jours de Stefan Zweig
• Henri Pena – Ruiz, Un poète en politique. Les combats de Victor Hugo.
• Charles Baudelaire, Cent poèmes de Baudelaire
• Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne
• René Char, Lettera amorosa
• Alphonse Daudet, Tartarin de Tarascon

Tous à leur manière tentent d'appréhender le réel, comme s'il fallait absolument dépasser le réel pour découvrir "l'inconnu". Car seul l'inconnu "vaut la peine". Dans beaucoup de cas c'est la mort qui pour eux définit le mieux cet inconnu. Mais étrangement, le chemin jusque là est définitivement poétique. Esthétique pourrions nous dire. Et cette esthétique est la définition même de l'art de chacun. J'adore avoir à ma portée tous ces visionnaires qui toujours créent du désir, du vertige, une certaine fascination. Sans l'art nous ne sommes rien. Rien d'autre que "d'ordinaires consommateurs". L'art nous donne la mesure de notre (nos) responsabilités. S'élever. Elever notre esprit. Ne pas le réduire à la facilité de ce que nous sommes. Mon Dieu, que de progrès avons nous à faire, ai-je à faire ?... En rentrant chez moi dans la soirée, d'autres livres m'attendent. En particulier une magnifique biographie de Rimbaud.

Ce matin, réunion d'équipe. La prochaine saison est définitivement définie et calée. Elle est particulièrement et artistiquement impressionnante. D'autre part dans sa forme elle est assez radicale. Changement de cap pourrions nous prétendre. Mais de tout cela j'aurais le temps de reparler plus tard. Nous ne sommes qu'à la moitié de la saison en cours. Tant de rendez-vous nous attendent encore d'ici le mois de juin.

Hier au soir, vu AVATAR en douce compagnie. Adoré ce film. Incroyable génie que ce James Cameron. Ce système 3D si impressionnant. Et puis, contrairement à ce que j'entends ici et là, le fond est égal à la forme. Du grand Art. Du jamais vu.
J'ai ouvert avec notre conseil juridique le chantier des heures supplémentaires. D'abord, d'un point de vue technique. Et dans quelques semaines, nous l'aborderons concrètement avec les salariés. Vaste chantier auquel je tiens beaucoup. Là encore, nous y reviendrons.

Fou, vertigineux même le nombre de propositions de spectacles que nous recevons. Est-ce bon signe ? Sûrement pas car tant de propositions ne semblent pas "venir de l'intérieur". Nous essayons de répondre à presque tous dans la mesure du possible. Ils est urgent que nos maisons se reconcentrent sur "l'essentiel". On en reparle ou plutôt on le fait.

Vu Lambeaux de Charles Juliet dans la petite salle de La Croix-Rousse. Je connais bien Charles Juliet à qui j'avais commandé une pièce il y a quelques années, et que finalement je ne "sentais" pas de mettre en scène. C'est Planchon qui s'y colla et le résultat global fut assez décevant. Depuis je n'ai pas revu Charles Juliet. Or c'est un homme pour qui j'ai beaucoup d'estime. Il m'est arrivé d'avoir de longues conversations avec lui. Son rapport au silence et à l'écriture est fascinant. Son rapport à l'enfance aussi. Terrible même. Lambeaux est le portrait de sa mère. Son écriture classique détaille scrupuleusement la réalité de sa vie et son effondrement intérieur. Pas de lyrisme, ni d'envolée. Une sorte de carnet de route vers la folie ; l'abandon. Anne de Boissy donne vie à ces paroles avec soin et élégance. Le déchirement vient peu à peu, pas à pas, mot après mot. Jusqu'à la rage finale. Lambeaux est un moment de théâtre d'une pureté infinie, et chaque soir devant des salles pleines, le public est bouleversé.

Ce matin le soleil est là donc tout est possible !

« Celui (...) qui comprend sans effort, le langage des fleurs et des choses muettes.»
Charles Baudelaire

Philippe Faure

lundi 1 février 2010

Le froid tue les microbes

Dernière représentation du Malade au Théâtre National de Nice. L'accueil toute la semaine fut extraordinaire. Le public de la dernière (plus de 1000 personnes) n'avait pas envie de nous laisser partir, et les applaudissements me firent penser à une mer démontée. Un peu dantesques !
Ce Malade imaginaire qui "nous tient au corps" (expression Moliéresque dans Le Malade) depuis presque cinq ans est porté par une énergie peu commune, toute la troupe est au diapason. Le grand mot est lâché : c'est d'abord "une affaire" de troupe. Ici, non seulement l'union fait la force mais chacun est complice de l'autre, et de l'œuvre ; et du coup l'œuvre se nourrit d'une énergie vitale. Et puis, il y a Argan, que j'ai l'honneur (la chance) de prendre à mon compte. Et je réalise que chaque grand rôle n'est pas seulement un personnage : c'est un territoire. Et ce territoire, chaque soir, il reste à l'explorer. Il est infini. Selon l'humeur, l'exploration est sombre ou joyeuse, innocente ou cynique, lasse ou énergique. Un rôle comme celui-là peut rendre fou, pour peu que l'on s'y abandonne (ce que je fais). Et sincèrement, parfois j'ai le sentiment que cet Argan, à qui je donne vie depuis plus de 200 fois, va me rendre fou. À moins qu'il ne me sauve de moi-même ! (N'est-ce pas la même chose ?)

A Nice, j'ai appris (réappris) à être heureux du soleil. Je l'ai aimé ce soleil Niçois. Peut-être a-t-il ensoleillé ma vie, après des mois très sombres où aucun mépris, aucune trahison, aucun mensonge ne me fut épargné. Mais ne revenons pas sur ces dernières années de ma vie où l'amour m'a aveuglé. Je n'ai pas vu que la personne qui était en face de moi ne cherchait qu'une chose : se débarrasser de moi !
Dieu soit loué, je me suis enfui avant d'y laisser ma peau. J'ai promis à mes filles que j'allais les emmener au soleil à la prochaine occasion. Cela dit, elles sont mon soleil. Marie, la plus grande, m'avoue au téléphone : « Je n'aime pas quand tu es loin, je suis inquiète. » Je la rassure. Elle conclut : « Vivement que tu sois là ! »
"L'autre" me criait : « J'en ai marre de t'avoir dans mes pattes, tu me pollues la vie ! »
Sans commentaire. Sans amour évidemment.

En tournée, les journées sont étranges : on est dans la vie, sans franchement y être. Tout est réglé en rapport de la représentation du soir. Bien sûr, il y a les lectures, du travail aussi, de l'écriture, du téléphone, tout cela mélangé dans l'intimité de la chambre d'hôtel. Les choses se font dans le désordre. Soudain la douche surgit n'importe quand, comme impérieuse. Soudain aussi le désir fulgurant de voir la mer vous saisit. Mais vite, le retour à la chambre d'hôtel s'impose. Le corps toute la journée est las. C'est peu à peu, quand arrive la proximité de la représentation, qu'il se défatigue, qu'il redevient disponible à l'effort. Car jouer Argan demande un effort physique assez violent. Si l'on songe qu'Argan est un malade épuisé, on se dit que le théâtre n'a pas peur de manier les contradictions et d'imposer aux acteurs d'invraisemblables basculements du corps et de l'esprit.

Au fond, en tournée, chaque jour l'acteur attend le moment où il ne va plus s'appartenir, où il n'aura plus aucun contrôle sur lui-même, où peut-être, où sans doute, il éprouvera ce sentiment de liberté aussi éphémère qu'il sera violent.
Bien sûr après la représentation en début de nuit, il y a la télévision. Elle aide "à faire retomber la pression". Et là, dans la semaine je suis quasiment tombé amoureux de deux présentatrices et d'une chanteuse.
D'abord Alessandra Sublet sur la cinq qui anime une émission dont le titre doit être "c à vous" (c'étaient des rediffusions). Un sourire éclatant. Une limpidité dans le visage. Une tendresse infinie. Grande et belle. Eclairante ! A recommander en cas de panne d'énergie et de confiance.
Autre présentatrice sur i>Télé du Soir 3. La plus belle, la plus pulpeuse et si intelligente, avec une distance parfaite sur les choses et les événements, c'est Audrey Pulvar. Vraiment c'est une femme dont beaucoup doivent rêver. Mais en même temps il doit y avoir la peur de ne pas être à la hauteur d'une femme aussi complète. A recommander tous les soirs ! (Malheureusement, je n'ai pas la TNT donc pas i>Télé… il faudra que j'attende la prochaine tournée pour la retrouver)
Enfin, vu Emmanuelle Seigner qui sort un nouveau disque. Elle parle admirablement de son mari (Roman Polanski, 72 ans). Elle doit avoir une petite quarantaine. Elle dit qu'elle est un garçon manqué. Un comble ! Il n'y a pas plus sensuelle, plus mystérieuse, plus désirable qu'elle !
Je ne sais pas si la femme est l'avenir de l'homme comme dit Aragon, en tous cas ces trois femmes donnent de "la femme" justement une très haute idée.

Lors de ma dernière réunion avec les délégués du personnel, j'ai évoqué la notion de mérite pour les salariés. J'ai eu un peu l'impression de briser un tabou dans une entreprise comme la nôtre où les salariés sont solidaires les uns des autres, et pourtant je suis très attaché à cette notion de mérite. Chacun n'est pas égal dans son investissement dans le travail, dans son travail.
J'ai moi-même terriblement donné de ma personne pour mériter aujourd'hui de diriger un théâtre et d'avoir les moyens suffisants pour créer des spectacles. Qu'est-ce que le mérite ? (mot sarkozyste autant que je me souvienne). C'est sans doute quand l'intérêt général guide seul les actes que l'on accomplit. Mais au-delà de l'intérêt général, c'est quand on est conscient de sa responsabilité à défendre un idéal. Et cette défense doit pouvoir s'accomplir même quand la situation est difficile. Mériter de faire partie d'une aventure d'une équipe, cela implique une rigueur intellectuelle. Un engagement quotidien. Je ne sais si cela est de bon ton, mais j'aime à pouvoir reconnaître pour chaque salarié son mérite. Si par malheur, cela n'est pas le cas, je suis le plus malheureux des directeurs. C'est pour cela sans doute que je défends mordicus les promotions internes, les formations de tous ordres, les tête à tête impromptus, les réunions de service et d'équipe. C'est que mon rôle est d'aider à construire le mérite de chacun.

Cette très belle parabole indienne : « Pour peu qu'un oiseau puisse chanter, il faut qu'un autre le regarde ».

Une actrice magnifique : Marina Hands. Je l'ai croisée une fois. Elle m'avait beaucoup impressionné. Elle joue actuellement dans le film de Marc Dugain : Une exécution ordinaire. Malheureusement, j'ai tellement de "films à voir" en retard que celui-ci n'échappera pas à la règle qui veut que je n'aille plus au cinéma qu'avec mes deux amours de filles !

Je lis dans tous les éditoriaux que l'affaire Clearstream est une "affaire d'Etat". Quand on pense à tout ce peuple qui ici en France vit sous le seuil de pauvreté, on se dit que Villepin et Sarkozy devraient mourir de honte. Mettre autant d'énergie dans la haine, alors que tant de gens ne parviennent plus ni à se chauffer ni à se nourrir, que chaque jour la pauvreté gagne du terrain, c'est nous qui allons mourir de honte si nous ne nous révoltons pas une fois pour toute. Cette phrase de Dany Laferrière, écrivain haïtien : « Ce qui a sauvé cette ville, c'est l'énergie des pauvres. Sans eux, Port-au-Prince serait restée une ville morte. » C'est un comble ! Bientôt ça va être aux pauvres de sauver le monde…

Je l'ai déjà dit précédemment mais lorsque je vois le comportement exemplaire, digne et rieur de ma petite haïtienne préférée, Marline, je me dis que décidément les enfants nous renvoient nous-mêmes pauvres adultes à nos mesquineries et égoïsmes habituels. Ce matin, on me dit qu'un directeur de théâtre lyonnais, visiblement mal dans sa peau, tient de méchants propos à mon égard. Bien sûr tout cela ne me touche plus. Tout de même, n'y a-t-il pas mieux à faire ? D'autant que ce directeur-là tient des propos de fraternité, d'honnêteté, etc… en un mot de service public. Ainsi va la vie… Pas toujours très élégante ; à nous de lui donner un peu d'air frais (pour ça, on est servi… il fait moins 3° ce matin à Lyon !). Et comme dirait l'autre : « Le froid tue les microbes. »

Philippe Faure

jeudi 28 janvier 2010

Vive le soleil niçois !

Quelques nouvelles rapides.

Notre Karine préférée a accouché d'une petite fille. Hourra !
Lambeaux au Studio bouleverse toujours les spectateurs. Vive Charles Juliet.
La création de La Métamorphose dans la grande salle est une réussite.

Notre Malade imaginaire provoque le délire tous les soirs au Théâtre National de Nice devant mille personnes. A propos de Nice, il fait très beau, du soleil. 13 °. Le soleil est vraiment reposant. La mer est belle et bleue.

La saison prochaine est quasiment décidée. Hier, Sami Frey était en visite chez nous à La Croix-Rousse. Sans aucun doute, il devrait être sur notre scène à la rentrée. Génial !

Avant mon départ pour Nice, très longue séance de travail avec les délégués du personnel. Animer une maison aussi lourde et active, gérer des parcours personnels, trouver le juste milieu entre les souhaits de chacun et l'équilibre budgétaire de la maison : pas simple mais passionnant.

Mes filles sont très perturbées et inquiètes de mon absence. Elles sont dans un état "d'amour" très émouvant. « L'amour de l'amour : une valeur à laquelle on ne saurait porter atteinte sans blasphémer. » Musset avait bien raison le bougre. A propos, On ne badine pas avec l'amour revient dans 10 jours sur la scène de La Croix-Rousse. Arriverai-je un jour à abandonner ce spectacle? La question est posée.

Romane Bohringer arrive elle aussi chez nous dans quelques semaines avec Feydeau. Eu plusieurs conversations téléphonique avec elle. C'est vraiment une fille magnifique et fraternelle. Elle est une maman comblée depuis quelques mois.

Décidément toutes ces nouvelles, même si elles sont rapides, donnent confiance. Vive le soleil niçois !

Philippe Faure

jeudi 21 janvier 2010

D'Argan à Haïti

La vie a de ces confrontations parfois quasi ingérables.

Je m'explique : au moment où triomphe Le Malade imaginaire à la Maison de la Danse et où je me livre sensuellement dans le personnage d'Argan, surgit le drame d'Haïti. Or, je dois à la vérité de dire, qu'il y a cinq ans, nous avons adopté une petite fille haïtienne au doux nom de Marline. Elle vivait dans un orphelinat, sa mère n'ayant plus les moyens d'assumer son existence. Elle est donc avec nous depuis cinq ans. C'est une petite fille malicieuse, courageuse, sincère, et d'une tendresse particulière. Elle s'est parfaitement adaptée à la vie française. Elle a un bonheur de vivre assez admirable, digne d'être contemplé par chacun, chaque jour. Il a fallu en premier lieu qu'elle s'adapte au fait d'avoir une sœur beaucoup plus grande qu'elle (onze ans) et d'avoir un frère encore plus grand (32 ans).

Evidemment, les informations d'Haïti lui sont arrivées et son comportement devant cette tragédie est assez curieux. On pourrait dire qu'elle a un sang froid à toute épreuve. Il faut dire que dans l'orphelinat en question elle a appris la vie "à la dure". Curieusement, si c'est une petite fille enjouée, libre de parole, toujours prête à rire, à jouer et à danser, il y a chez elle une dimension extrêmement silencieuse, comme si elle avait conscience que la première dignité d'un être humain était de ne pas répandre ses émotions. Il y a beaucoup à apprendre d'elle. Etrangement, depuis le début de l'année, à l'école, elle avait beaucoup de mal à se faire des amis et à cause du drame d'Haïti beaucoup d'amitiés nouvelles viennent de se créer. Au fond, cette petite fille si simple est un être profondément secret.

Bien sur, lorsque nous voyons les images des conséquences du tremblement de terre, nous sommes obligés de penser, d'une part, qu'elle est une sorte de miraculée, et d'autre part, à tous les enfants qui par la force des choses seront devenus orphelins. Nous sommes obligés de penser aussi que pour un enfant sauvé, délivré de la pauvreté, combien d'autres vont être prisonniers d'un avenir d'ores et déjà déchiré.

Décidément, d'Argan à Haïti et à Marline, il y a là une sorte de mystère qui me (nous) dépasse. Comme j'ai souvent l'occasion de l'écrire dans ce blog, il n'y a pas de temps à perdre pour être généreux et bon, pour donner de l'amour. C'est que demain chacune de nos vies peut elle aussi trembler et s'effondrer. Le désir d'être heureuse de cette petite fille qui maintenant m'accompagne (nous) depuis cinq ans a créé chez moi une exigence nouvelle. J'ai la responsabilité de créer du désir et de ne jamais céder à quelque tentation malheureuse.

Toute la semaine prochaine, nous serons au Théâtre National de Nice avec Le Malade imaginaire. Dans le recueillement de ma chambre d'hôtel face à la mer, j'aurai l'occasion d'écrire à nouveau et plus précisément sur ce blog.

Philippe Faure

lundi 18 janvier 2010

Pour se souvenir

Le malade imaginaire - Molière / Faure from Garage Productions on Vimeo.

Le Malade imaginaire à la Maison de la Danse : c'était l'euphorie !

mercredi 13 janvier 2010

2010 sur les chapeaux de roues


Très beau ce qui se passe au Théâtre de la Croix-Rousse depuis le 20 décembre. Par quel bout prendre les choses ? Commençons par La Vie devant soi avec Myriam Boyer : ce spectacle joué devant des salles archi pleines a bouleversé le public. Les mots d’Emile Ajar ont résonné en cette période de fête avec une intensité particulière. Sans oublier que ces mots-là portaient en eux une drôlerie très tendre. Quant à Myriam Boyer, elle a porté ce personnage de Madame Rosa avec une humanité, une générosité, un amour incomparables. Décidément, cette Vie devant soi restera un souvenir unique dans la vie du Théâtre de la Croix-Rousse.

Il y eut aussi le succès de notre opération des vêtements chauds (dont d’ailleurs nous ne devrions pas nous réjouir). Toujours est-il que les dons de vêtements et de jouets furent au-delà de toute espérance et qu’il fallut plusieurs voyages de la camionnette des Restos du cœur pour emporter cette récolte indispensable.

Parallèlement, il y eut les répétitions du Malade imaginaire. J’avoue que j’avais sous-estimé le travail à reprendre ce spectacle. Moi-même, j’ai beaucoup galéré pour réapprendre le texte. Et la dernière semaine de répétitions à la Maison de la Danse a laissé toute l’équipe des comédiens littéralement épuisée.

Enfin, depuis ce début de semaine, les représentations du Malade ont démarré à la Maison de la Danse. Succès public incroyable, un accueil digne d’un concert rock. Je dois dire que nous sommes tous bouleversés par la manière dont est reçu le spectacle. J’ai déjà eu l’occasion de le dire souvent, mais peut-être que le rôle d’Argan (que j’ai la chance de jouer), porte en lui un ardent désir de vivre. Bien sûr, il y a chez lui la peur de la maladie, la peur de la mort, la peur que les gens qu’il aime lui échappent, la peur enfin de ne pas être à la hauteur de la situation car, plus qu’un autre, Argan est conscient qu’être un être humain implique un sens des responsabilités et ces responsabilités le terrorisent. Alors, s'il crée la panique dans sa maison c’est pour mieux réinventer la vie.

Voilà pour ce qui concerne les spectacles. Mais bien évidemment, il y a aussi la vie quotidienne du théâtre et il se trouve que pendant cette activité artistique un peu démente, j’ai choisi de rencontrer individuellement chaque salarié de la maison pour faire le point sur le travail de chacun. C’est que bien sûr, d’ores et déjà, nous travaillons sur la prochaine saison qui sera dans la forme complètement différente de toutes les saisons que nous venons de vivre. Cela demande une réorganisation générale, de sorte qu’avec chacun nous puissions redéfinir ses objectifs et sa nouvelle implication dans ce qui sera un bouleversement.

Ce matin même, en réunion d’équipe, je faisais part de ma quasi stupéfaction (joyeuse) devant ce public si nombreux (plus de 15 000 personnes fréquentent notre théâtre depuis le 20 décembre), je faisais part aussi de ce sentiment d’effervescence qui se dégage de notre maison comme si l’équipe du théâtre, la troupe des comédiens, les techniciens et le public, ensemble, partageaient le même désir d’aimer. Au fond, c’est peut-être cela qui est le plus troublant et le plus jouissif : ce sentiment d’une nouvelle jeunesse qui éclate : rien de sclérosé, rien de codé, mais bien plutôt un vent de liberté qui souffle. Alors évidemment, le soir après la représentation, il me faudrait presque un brancard pour m’évacuer de la Maison de la Danse tant la fatigue est grande (les articulations des genoux demandant grâce) mais je me dis, et l’équipe avec moi, que tout de même le théâtre n’est qu’amour et comme c’est le cas dans cette période frémissante, lorsque cet amour-là est partagé par le plus grand nombre, on se dit qu’on est béni.
Bien sûr, cette activité débordante n’empêche pas chacun d’avoir une vie personnelle. Notre responsable billetterie, Karine Fanton, part cette fin de semaine pour accoucher dans à peine un mois ; d’autres collaborateurs arrivent, certains vont prendre du recul pour passer des caps difficiles de leur vie, d’autres qui ont changé d’affectation s’épanouissent de manière heureuse. En conclusion, je pourrais dire qu’une chose est sûre : le Théâtre de la Croix-Rousse, en ce début d’année 2010, n’a jamais été aussi vivant. Il est sur les chapeaux de roues.

Philippe Faure

P.S : N’oublions pas le spectacle de Guillaume Gallienne qui démarre ce vendredi ; malheureusement les séances sont déjà complètes. N’oublions pas non plus Lambeaux, le magnifique spectacle de Sylvie Mongin-Algan, dans le Studio, qui lui aussi malheureusement est complet. N'oublions pas enfin d'être amoureux (c'est Aragon qui disait cela).

mardi 5 janvier 2010

Message express



Je vous attends à La Maison de la Danse pour
Le Malade Imaginaire.

Ça va être magnifique !

Du 11 au 16 janvier, à 20h
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