mercredi 11 mars 2009

Trois hommes remarquables

Cette confidence de Vincent Lindon au hasard d’une interview à propos de la sortie de Welcome : « J’aime les personnages qui ont des rédemptions, qui apprennent, qui se dépassent. Les personnages qui commencent "gros con" qui regarde ses pompes mais qui finit homme debout et digne, s’intéressant à ce qui se passe dans la cité. » Plus loin encore, toujours Vincent Lindon : « Un acteur c’est une cible mouvante. Emouvante. » D’une certaine manière, Vincent Lindon est un acteur "que je n’ai pas vu venir" et aujourd’hui je m’aperçois qu’il est à hauteur d’homme. Plus loin encore, il évoque le fait que tout en étant surpuissant, les femmes ont envie de le consoler. Il me ramène à Marcello Mastroianni que j’ai aimé plus que tout, mélange de force, de charme, de détresse, sorte de funambule de l’amour, drôle et tragique dans le même instant, ayant toujours l’impression qu’il fume sa dernière cigarette (gros, très gros fumeur). La cigarette du condamné à mort.

Il y a quelques années (4 ou 5), Vincent Lindon est venu à la Croix-Rousse pour assister au concert de Christophe. Souvenir impérissable. Christophe fait sa rentrée à l’Olympia. C’est archi-complet. Il devait revenir à la Croix-Rousse la saison prochaine, malheureusement cela n’a pu se faire. En 2008, il enregistre l’album Aimer ce que nous sommes. C’est cet album qu’il met en scène. Je l’ai "collé" de près lorsqu’il fut trois soirées chez nous. L’homme est à peine grand. "Miniature" l’on pourrait oser. D’une minceur rare. Une chevelure incroyablement dense qui tombe généreuse sur ses frêles épaules. Son visage est émacié. Les traits nets mais sans traduire quelque âge qui soit. C’est un visage secret. D’un certain genre. Impassible mais foudroyant. Et puis, il y a ses yeux dissimulés derrière ses lunettes noires. On les sent, on les devine, leur absence vous transperce. Christophe est un homme de la nuit. Et tout chez lui appartient au monde de la nuit. Sa voix étrangement chuchotée et aiguë. Ses postures, celles d’un dandy préservé de la réalité du quotidien. Sa tenue vestimentaire : venue d’ailleurs, d’un monde où tout est envisageable. La nuit est le repaire des fauves. Son Aline a provoqué des milliers de mariages et le voilà rock star avec une facette underground. J’avais beaucoup parlé avec lui. Mais parle-t-on avec la nuit ? On la respire. Voilà la vérité. J’ai donc respiré Christophe et c’était bon.

Autre personnage dans l’actualité : Olivier Py qui remonte Le Soulier de satin à l’Odéon. Il dit à propos de son rôle de directeur d’une des plus importantes maisons de théâtre d’Europe : « Diriger ! Je déteste ce mot. Je déblaye le terrain. » L’aveu est magnifique. Je me sens aussi chaque jour qui passe un déblayeur de terrain. Il n’a pas peur de se mettre en scène. Il transgresse l’idée que le poète doit être un homme de l’ombre. Il lance des piques aux critiques, aux politiques. Il court après le temps. Il est obsédé par tous ces poètes morts ou vifs. Nous l’avons invité à deux reprises à la Croix-Rousse. Comme Rodrigue, il rêve d’abolir les frontières. Et Claudel qui déconne, qui tragédise, qui comptine, qui prie et qui déprie (pardon pour les mots inventés). Et pour Py, cette obsession du Chrétien qui montre ses fesses, qui veut se « farcir la rondelle ». Décidemment le théâtre est tout. Il y a le verbe et le sexe. Il y a l’amour des autres. Vivement que Py revienne à la Croix-Rousse et que je le regarde travailler comme un enfant regarde une crèche de Noël.

Voilà trois hommes, Lindon, Christophe et Py, qui nous donnent envie d’être encore plus vivants, d’être dignes, de ne pas tricher. Marre, marre, marre des tricheurs. Vive les "fous d’amour" !

Beaucoup de gens me témoignent leur surprise en lisant ce blog. C’est que souvent j’y suis d’une grande impudeur. J’avoue des faiblesses, des chagrins, que d’habitude on garde pour soi. Au fond, j’expie mes fautes. Pour "s’élever" un peu, il faut se délester de notre part de lâcheté, de douleurs, de mesquineries et de mensonges. Au sens "claudélien" du terme, il faut se purifier. Il m’a fallu apprendre à donner sans attendre de retour. Donner pour donner. Pour la beauté du geste. Pour faire le bien. Pour fuir cet égoïsme qui nous tient serrés dans ses mains. Et oui ! l’égoïsme a des mains, noueuses, paysannes, avec des doigts aussi forts qu’une tenaille. J’aime cette idée que l’on se mette à nu. Finie la mascarade du déguisement. Il faut s’exposer pour ce que l’on est. J’aurai d’ailleurs, dans les semaines qui viennent, l’occasion de m’exposer dans le ridicule de ce que j’ai été, de ce que je suis peut-être encore, mais de ce que je n’espère plus être à l’avenir et l’avenir c’est maintenant, donc pas de temps à perdre.

Quelqu’un me dit comme un reproche : « Tu es insaisissable. » Je lui réponds que j’ai tellement de rêves de "beau" que parfois, devant la maigreur des beautés apparues, j’ai des tendances à m’évanouir, et pourquoi ne pas le dire, à pleurer comme un enfant qui réalise qu’il est à l’orphelinat. Son père et sa mère sont morts. Cela dit, la vie est belle. Parce qu’elle exige tout de nous. Surtout l’impossible et contrairement à l’adage, à l’impossible nous sommes tenus.

Philippe Faure

1 commentaire:

Unknown a dit…

de: Lourdes, lentes. André Hardellet

"Pourquoi parlez-vous tellement argot, Stève?
-Par pudeur. Une manière de se donner un coup de frein...Et puis on prend l'habitude. Je suis un abominable romantique."