mercredi 12 novembre 2008
Fou !
« Fou ! ». Combien de fois me suis-je entendu qualifié ainsi à propos de mes grandes chevauchées raciniennes solitaires ! Fou, incontestablement ! Sans doute, plus fou encore qu’on ne l’imagine ! Doublement fou ! Et bientôt triplement fou ! Je n’ai pas souvenir d’avoir commencé une seule représentation de Phèdre ou de Bérénice – et il n’y a aucune raison pour qu’il en soit autrement avec Andromaque ! – sans m’être dit, dans l’heure épouvantable qui précède mon entrée en scène, un chapelet de « plus jamais ! ». Sans avoir appelé ma maman à mon secours, tant je me sens petit garçon devant la tâche à accomplir !
Sans avoir imploré une protection divine miséricordieuse ! Sans avoir pratiqué toutes sortes de signes cabalistiques, dont le signe de la croix ! Sans avoir pressé entre le pouce et l’index gauches le petit cube de jade que je porte suspendu à mon cou par une chaînette en or ! Sans avoir imposé mes mains sur toute espèce de surface en bois, portes, chaises, parquet… Sans avoir vérifié silencieusement, plusieurs fois à la minute, que la première réplique au moins ne m’échapperait pas ! Sans avoir répété, inlassablement, enchaînées ou mélangées, toutes ces pratiques superstitieuses, jusqu’au « go » final du compte-à-rebours ! Sur le trajet qui m’a conduit au théâtre, comme à un échafaud quotidien, mon calvaire observe toujours une station au moins devant une boutique de lingerie féminine, dont la contemplation de ses « petits trésors », comme dit Le Fétichiste de Michel Tournier, parvient, seule, à desserer l’étau de l’angoisse qui monte aussi vite que la fièvre chez un nourrisson…
Fou de trac ! Cette irrépressible névrose du comédien ! Directement proportionnelle à l’importance de son rôle ! ( En l’occurrence, de « mes » rôles ! Si mon cachet n’est pas multiplié par huit quand la tragédie comporte huit personnages, en revanche mon trac, lui l’est !)
« Le facteur sonne toujours deux fois ». Jacques Brel disait qu’à chacun de ses récitals, il vomissait toujours deux fois ! Il vomissait de trac, avant. Il vomissait d’épuisement, après !
Mais alors, pourquoi ? Pourquoi souffrir à ce point ? C’est une autre histoire, sujet d’un autre petit billet…
Jean Marc Avocat, metteur en scène et interprète de Phèdre, Bérénice et Andromaque.
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1 commentaire:
"Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque, à te regarder, ils s'habitueront" René Char
Quelques minutes m'ont suffit !
Merci
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