lundi 8 juin 2009

Le sens de la mesure

Voilà à peine deux semaines que nous avons lancé notre nouvelle saison. Et je dois le dire : ce qui se passe est tout simplement bouleversant pour toute l’équipe. Il y a comme une sorte de raz de marée des abonnements. Nos abonnés fidèles se réabonnent en grande majorité. Ceux qui nous avaient abandonnés le temps d’une ou deux saisons reviennent, réintègrent leur maison. Enfin, un grand nombre de nouveaux spectateurs rejoignent La Croix-Rousse. Le résultat que ce mouvement général provoque une rare poussée de fièvre.

C’est bouleversant pour plusieurs raisons. D’abord, c’est la preuve que non seulement il n’y a pas d’usure dans l’attraction qu’exerce notre maison, mais bien au contraire qu’il y a comme un élan nouveau. C’est la preuve que notre sincérité, que notre spécificité est entendue, comprise. Nous ne trichons jamais avec ce que nous sommes, et avec ce que nous croyons. C’est la preuve que cette fraternité, que cet amour que nous appelons sans cesse de nos vœux trouve un large écho. Nous n’avons jamais eu peur d’être des amoureux transis. Nous aimons par dessus tout que le monde se rassemble. Nous nous sommes toujours méfiés d’être des diviseurs. C’est la preuve que nos choix artistiques, si différents les uns des autres, parfois même si détonants, inventent des territoires sensibles où il fait bon saisir le verbe au vol. C’est la preuve que nous gardons la même fraîcheur, la même liberté, la même audace, la même rigueur. Décidément c’est la preuve que nous sommes comme aux premiers jours : fébriles, impatients, naïfs, tendres et qu’aucun réflexe pervers ne nous a contaminé.

Nous sommes ouverts sur le monde, et dans cette ouverture souffle l’amour du prochain, l’amour de la différence, l’amour du théâtre dans tous ses états.

Voilà qui est dit. Merci à tous pour cette infinie confiance que vous nous prêtez. Sachez que nous travaillons chaque jour à ne jamais la trahir, mais au contraire à la rendre joyeuse et salvatrice.

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Je repense à ces mots de Pascal (pas Pascal Danel, le chanteur avec ses neiges du Kilimandjaro) non, l’autre, le philosophe qui écrivait que « l’humanité est une succession d’hommes qui montent sur les épaules les uns des autres pour voir plus loin ».
J’ai l’impression que cette évidence définit bien notre état d’esprit.

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Hier, fête des mères.
Je repense à la mienne qui, à la suite d’une longue maladie, mourut à la fin de mon adolescence. C’était aux temps où les traitements étaient encore barbares. Elle souffrit en silence, avec la terreur de laisser orphelins quatre enfants.
Sa mort est lointaine et pourtant m’habite encore, presque physiquement, ce sentiment d’impuissance de n’avoir pas pu (su) la rassurer, l’accompagner, trouver les mots.
C’est moi qui l’ai découverte un mercredi après-midi, morte sur son lit. Moi qui ai prévenu les pompiers de chez la boulangère (nous n’avions pas le téléphone). Moi qui suis monté dans l’ambulance en direction d’Edouard Herriot.
Au fond, ce qui nous rend si désespéré parfois, c’est que nous n’avons pas le pouvoir de sauver de la mort les gens que nous aimons. Nous les regardons mourir.
Et d’une certaine manière nous ne nous pardonnons jamais d’être si passif.
La mort d’une mère, c’est la fin d’un monde.
C’est le moment où soudain nous sommes justement seuls au monde.
Alors vous qui avez vos mères près de vous, surtout n’ayez pas peur de les aimer.

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« Quand il s’agit d’éclairer et d’être éclairé, il faut regarder où est le devoir et non où est le péril. » Victor Hugo
Décidément ce Victor Hugo !

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Hier au soir, pathétique François Bayrou. Cette obsession à démolir Sarkozy et à vouloir être président de la République l’a repoussé au fin fond du puits.
Il y a une morale à cela. On ne construit rien en détruisant. On ne convainc personne en s’érigeant d’évidence khalife à la place du khalife. Seuls l’humilité et l’intérêt général ont le pouvoir de rassembler autour de soi les femmes et les hommes de bonne volonté.
Il est le contre-exemple de ce que doit être la politique. Il n’a que ce qu’il mérite, d’être ramené à ce qu’il est : un petit homme dont la prétention lui a fait perdre le sens de la mesure.

Philippe Faure

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