mardi 8 décembre 2009

Un bloc de tendresse et un feu d'artifice

Samedi soir, dernière représentation d'Observer, le travail de Bruno Meyssat. Personnellement cette mise en théâtre de la tragédie d'Hiroshima m'a laissé sans voix. Bouleversant dans la précarité de cette mise en abîme. Notre public a répondu présent (au-delà de toute attente) à notre invitation. Décidément Bruno Meyssat est un honnête homme et un artiste obstiné et il est juste qu'un grand nombre de spectateurs aient pu découvrir son univers. En arrivant ce lundi matin au théâtre, j'ai eu la surprise qu'il m'ait offert un sublime livre sur UKIYO-E (images du monde flottant). Il s'agit d'un courant artistique japonais qui naquit pendant la période prospère de l'Edo (1615-1868).

Samedi soir encore, une rencontre avec Cathy Bouvard, spectatrice engagée d'Observer. Cathy Bouvard est aujourd'hui co-directrice des Subsistances avec Guy Walter. Nous avons travaillé ensemble pendant un peu plus de cinq ans aux débuts du Théâtre de la Croix-Rousse. Notre séparation fut extrêmement douloureuse, et il a fallu beaucoup de temps pour que nous retrouvions notre calme l'un envers l'autre. Elle a eu un rôle essentiel dans l'aventure de cette maison. Elle occupait en fait le poste de secrétaire générale et surtout je lui avais délégué le choix des spectacles. Je crois être à l'origine de notre séparation. Sans doute, traversai-je à cette époque une période de grand tumulte et au fond notre complicité, notre intimité, m'étaient devenues douloureuses. Peut-être n'étais-je pas à ce moment-là en capacité d'assumer un tel partage des responsabilités. Toujours est-il qu'il y a entre nous deux une vraie estime, une grande fidélité, une affection jamais démentie. Et si, pour une raison ou pour une autre, il fallait rêver à un successeur à la direction de cette maison, c'est sans aucun doute vers elle qu'il faudrait se retourner, elle que j'appellerais. Oui, il y a l'un envers l'autre une considération définitive. Peut-être parce que nous savons l'un et l'autre ce que nous nous devons et que non seulement nous l'assumons, mais nous sommes très fiers d'avoir travaillé ensemble. Qui plus est, je crois que toute l'équipe ici partage cette fidélité à Cathy Bouvard et sa reconnaissance.


Je lis cette réflexion fondamentale de Michel Serres (magnifique philosophe)
« On ne fait jamais de progrès sans admettre son incapacité. »
Mon Dieu, que cela est vrai!

La semaine qui vient risque d'être intense. Beaucoup de rendez-vous décisifs, et puis l'écriture, et puis ce texte du Malade imaginaire qu'il me faut réapprendre (la mémorisation n'est pas mon point fort) enfin dimanche prochain (le 13) très longue journée. A 11 heures du matin, brunch autour de Myriam Boyer, genre conférence de presse. Toute la presse sera là ainsi que nos principaux relais. Il s'agit d'accueillir fraternellement et respectueusement cette actrice incomparable. Ensuite, deux représentations (complètes) de La Vie devant soi à 15 heures et 20 heures.

Règne dans notre maison depuis la rentrée une ambiance que je qualifierais d'épidermique, dans le sens énergique du terme. Toute l'équipe est heureusement mobilisée, investie, légère et donc particulièrement efficace. Je me surprends moi-même à retrouver l'humeur de mes débuts à La Croix-Rousse. Les très pénibles mois de mai, juin, juillet, août, septembre, où je fus extrêmement fragilisé m'ont étrangement redonné le goût de l'aventure. Il est des fréquentations qui ont le don de vous perdre au fond du trou et au fond du trou, ce n'est pas très gai.

Un maire d'une grande ville m'a appelé pour me proposer la direction d'un théâtre (nous avons joué à plusieurs reprises dans sa ville). J'ai décliné la proposition. Je crois que ma vie est ici et j'ai la certitude qu'il ne faut jamais abandonner une aventure en cours de route. Il faut courageusement surmonter les doutes, la lassitude et tout autre sentiment qui pourrait conduire à la facilité. Il ne faut pas céder à la tentation de l'infidélité, au contraire il faut résister, c'est à ce prix que l'on acquiert l'estime de soi-même. Et sans estime de soi-même, rien n'est possible.

Cette réflexion étonnante sur laquelle il convient de méditer. Réflexion de Jean-Paul Sartre :
« La patrie, l'honneur, la liberté, il n'y a rien : l'univers tourne autour d'une paire de fesses, c'est tout. »
J'engage donc une période de méditation et dès que possible, je livre ma conclusion.

Beaucoup d'articles en ce moment dans la presse sur Charlotte Gainsbourg à propos de la sortie du nouveau film de Chéreau et de son nouvel album, "IRM".
Chéreau dit d'elle : « On a tous envie de l'aimer.»
Ce qui me frappe chez elle c'est sa délicatesse. Cette manière qu'elle a de tout frôler avec précaution. Comme si elle était obsédée par l'idée de ne rien abimer. Elle évoque constamment ses admirations. Peut-être son talent est-il d'avoir compris que l'on doit tout aux autres. Ce sont eux qui vous font grandir, donc il convient de les respecter. Charlotte Gainsbourg est une jeune femme respectueuse et ça fait du bien, et du coup, comme le dit Chéreau, on a envie de l'aimer.

Maguy Marin : « Il s'agit surtout de ne pas rester bloqué dans sa petite histoire. »

Dimanche soir, j'ai emmené mes filles Marie et Marline regarder le feu d'artifice. Elles étaient blotties contre moi, chacune d'un côté. On ne faisait qu'un tous les trois. J'ai toujours eu un peu de mal avec les feux d'artifices. Ca ne m'a jamais ni impressionné ni fait rêver. Mais là, nous étions tous les trois un bloc de tendresse, alors le feu d'artifice, par la force des choses, je l'ai trouvé beau !

Philippe Faure

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